Malgré leur croissance rapide, les grandes villes africaines ont assuré, au cours des trente dernières années, un meilleur accès aux services, aux emplois et aux infrastructures à des millions de citadins que les localités de petite taille, indique le nouveau rapport Dynamiques de l’urbanisation en Afrique.
L’édition 2022, est publiée mardi 26 avril, sous le titre : « Le rayonnement économique des villes africaines ». Réalisée conjointement par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la Banque africaine de développement et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), l’étude a porté sur 2 600 villes de 34 pays du continent. Elle souligne que les performances des zones urbaines en Afrique ont dépassé celles du reste d’autres zones dans leurs pays, affichant des marges plus élevées que dans d’autres parties du monde. Le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest est une plateforme internationale indépendante chargée de promouvoir des politiques régionales destinées à améliorer le bien-être économique et social des populations du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Son secrétariat est hébergé au sein de l’OCDE.
« Malgré une croissance de 500 millions d’habitants au cours des trente dernières années, les villes d’Afrique ont maintenu leurs performances économiques en offrant, à plusieurs centaines de millions de personnes, un accès accru à des emplois décents et à des infrastructures de plus grande qualité, dans un contexte d’aide et d’investissement publics très limités », a souligné Ibrahim Mayaki, directeur général de l’agence de développement de l’Union africaine (AUDA-NEPAD) et président d’honneur du CSAO.
Le rapport relève également que l’urbanisation a été à l’origine d’environ 30 % de la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique par habitant, au cours des vingt dernières années. De quoi contribuer à une transformation économique dans les zones urbaines, où les travailleurs qualifiés représentent 36 % de la main-d’œuvre – contre 15 % environ dans les zones rurales –, ainsi qu’à l’accès aux services financiers.
En termes d’éducation, d’infrastructures et d’accès aux services, les grandes villes exercent une influence positive sur les localités de petite taille et les zones rurales périphériques. Par exemple, en milieu rural, la part des ménages bancarisés est deux fois plus élevée chez ceux habitant à moins de cinq kilomètres d’une ville, que chez ceux vivant à trente kilomètres de la ville la plus proche.
« La transition de l’Afrique vers l’urbanisation façonne le continent à un rythme très rapide et ce changement n’est pas seulement démographique, c’est une transition économique et sociale », a indiqué Edlam Abera Yemeru, directrice par intérim de la Division genre, lutte contre la pauvreté et politique sociale à la CEA.
« L’Afrique a également une chance unique de réussir l’urbanisation, car la majeure partie de sa croissance urbaine est à venir, a-t-elle poursuivi. On doit planifier à l’avance le développement des villes et la croissance urbaine, car il est parfois trop coûteux, voire impossible, de défaire et de reconstruire la configuration physique des villes une fois que le processus d’urbanisation a eu lieu. »
Edlam Abera Yemeru a également pointé le lien étroit qui existe entre urbanisation et jeunesse de la population : « Entre 1980 et 2015, l’Afrique a enregistré une augmentation de 362 % du nombre de jeunes résidant en zone urbaine ». Selon le rapport, les enfants habitant les grandes villes africaines bénéficient, en moyenne, de près de cinq ans d’éducation de plus que ceux vivant en milieu.
« L’urbanisation est l’une des mutations les plus importantes que le continent africain va connaître au cours de ce siècle », a déclaré Solomon Quaynor, vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement chargé du Secteur privé, des Infrastructures et de l’Industrialisation. Faisant écho à Ibrahim Mayaki, selon qui ces conclusions devraient déboucher sur des politiques puis sur un financement ad hoc, le vice-président Quaynor a appelé les parties prenantes à prêter attention aux transitions démographiques, sociales et économiques qui influenceront l’urbanisation croissante de l’Afrique – et réciproquement.
Le Groupe de la Banque africaine de développement a porté ses financements en faveur du secteur urbain à plus de 400 millions d’euros en 2018, contre 100 millions d’euros par an en moyenne sur la période 2005-2009. En 2020, conformément aux Objectifs de développement durable et aux priorités opérationnelles de ses « High 5 », la Banque africaine de développement a lancé le Fonds de développement urbain et municipal pour intensifier son soutien au développement urbain en Afrique.
Récemment, la Banque a accordé un financement de 22,4 millions d’euros en faveur d’études préparatoires pour la future autoroute reliant Abidjan à Lagos, un projet de 15,6 milliards de dollars via Accra, Lomé et Cotonou, susceptible de générer près de 75 % d’activités commerciales en Afrique de l’Ouest.
Les villes pourraient être des moteurs de croissance encore plus puissants, selon le rapport, qui recommande aux décideurs politiques de renforcer le potentiel économique des zones urbaines. Pour ce faire, les gouvernements doivent placer les villes au cœur de la planification urbaine, en veillant à mieux coordonner leurs politiques nationales et locales de développement et en investissant dans les services et les infrastructures pour interconnecter les villes et accroître leur productivité.
Les gouvernements doivent également intensifier la mobilisation des ressources locales et les capacités d’investissement, en augmentant fiscalité locale , taxes et redevances – et en facilitant l’accès aux prêts.
Banque africaine de développement