La huitième édition du Forum de Dakar s’est tenue du 24 au 25 octobre au cœur de la capitale sénégalaise. Une grand-messe organisée par Avisa Partners, qui a réuni 2 000 participants autour de plusieurs dizaines de hautes personnalités, parmi lesquelles plusieurs chefs d’Etat ou de gouvernement. L’événement représentait l’occasion, pour les acteurs privés et publics, d’échanger autour des enjeux de sécurité, mais aussi de nouer des contacts dans un cadre privilégié, où la confiance était le maître-mot.
« Deux jours intenses de réflexion, de propositions », pour la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall – mais également de discours et conférences, de débats, d’ateliers, de plateaux TV retransmis dans le monde entier ; et, surtout, de rencontres, d’échanges informels, de négociations, de partages d’informations, de prises de contact. Voici déjà deux semaines que le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique a refermé ses portes mais les travées du CICAD (Centre international de conférences Abdou Diouf) bruissent encore des pas et échanges des quelque 2 000 participants de cette grand-messe de la sécurité en Afrique.
Placée sous l’égide du président du Sénégal Macky Sall, la huitième édition du Forum était, au terme d’une année 2022 qui aura vu voler en éclats les grands équilibres géopolitiques mondiaux, opportunément consacrée au thème de « L’Afrique à l’épreuve des chocs exogènes : défis de stabilité et de souveraineté ». Vaste programme, pour un continent en proie à des défis sécuritaires dont la résolution façonnera l’avenir des pays africains.
Avisa Partners, le MAESE et le CHEDS à la manœuvre
Quelques chiffres, tout d’abord, permettent de mesurer les attentes que nourrissait ce huitième Forum de Dakar. Parmi les 2 000 invités se pressant dans les couloirs du CICAD se trouvaient ainsi plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement et autres officiels de la région – particulièrement de l’Afrique lusophone, à l’honneur cette année : José Maria Neves, président du Cap-Vert ; Joao Lourenço, président de l’Angola ; Mario Soares Sambu, vice-premier ministre de Guinée-Bissau. Mais aussi le prince Faisal ben Farhan Al-Saoud, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Kenji Yamada, le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères japonais, ou encore Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d’Etat française en charge de la francophonie et des partenariats internationaux. Avaient également répondu présents l’ancien Premier ministre du Tchad Albert Pahimi Padacké, ainsi que l’ex-président du Niger Mahamadou Issoufou, dont l’intervention a officiellement clôturé l’édition 2022 du Forum.
Du beau monde, donc, dont la présence à Dakar a sans aucun doute contribué au succès de l’événement, auquel une quarantaine de pays et d’organisations étaient représentés. En tout, pas moins de dix ministres et hauts représentants, vingt organisations internationales, 300 experts de haut niveau, civils et militaires (analystes politiques, élèves officiers du Sénégal, hauts gradés de l’AFRICOM, le commandement des opérations militaires américaines sur le continent), sans compter les centaines de journalistes accrédités par près de 200 médias (presse, télévision, radio, web…), ont fait le déplacement dans une capitale sénégalaise devenue, le temps de deux jours (24-25 octobre), l’épicentre des enjeux sécuritaires en Afrique.
Un partenariat public privé initié par Avisa Partners
Un ballet soigneusement mis en musique par le ministère sénégalais des Affaires étrangères et la société française d’intelligence économique Avisa Partners, en étroite collaboration avec le Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS) du Sénégal, ainsi que plusieurs partenaires privés, comme l’équipementier militaire Arquus ou le groupe de BTP Vicat – Avisa Partners saluant auprès de la rédaction de Financial Afrik la « fidélité » de ces deux derniers, qui « montre que le Forum demeure un moment important pour partager avec les personnalités présentes une analyse de la situation du continent et de ses perspectives d’évolution ».
Si les organisateurs ont pu s’appuyer sur le succès des précédentes éditions, monter sur pied un tel raout demeure un défi – logistique et économique, bien sûr, mais peut-être encore davantage politique, diplomatique et médiatique. De longs mois de tractations furent nécessaires, reconnaît-on volontiers chez Avisa où, véritable chaudron au sein duquel ont patiemment mitonné les « ingrédients » du forum, on peine à se remémorer du nombre exact de réunions préparatoires avec les chancelleries sénégalaise, africaines et européennes.
Cuisine interne ?
Certes, mais c’est à ce prix que le Forum se professionnalise toujours plus, avance Bertrand Slaski, directeur chez Avisa Partners. C’est grâce à ces efforts conjoints qu’il « continue de se moderniser (et qu’il) s’est installé dans l’agenda international ». L’accent mis sur la couverture médiatique du Forum n’est pas étranger à cette montée en puissance : « le phénomène majeur, analyse Bertrand Slaski, c’est l’écho médiatique important qu’il a pris ces dernières années : la couverture média répond dorénavant aux meilleurs standards internationaux », avec notamment la mise à disposition d’un studio de télévision et la présence de médias reconnus comme CNBC et TV5 Monde, ouvrant les portes du Forum à un public plus large que les seuls experts africains de la sécurité.
Le Forum de Dakar « place l’Afrique au centre de l’agenda et des enjeux internationaux »
Car les défis auxquels est confrontée l’Afrique dépassent les frontières d’un continent désormais pleinement intégré à la mondialisation et, de ce fait, étroitement interconnecté aux enjeux qui intéressent la communauté internationale dans son ensemble. S’il a, pendant longtemps, accordé une large place aux problématiques sécuritaires de la bande sahélo-saharienne, le Forum de Dakar ne se cantonne donc plus aux seules questions de contre-terrorisme djihadiste. Burkina Faso, Guinée, Tchad, Bénin, Centrafrique, Soudan, Mozambique… : « la liste des périls africains est malheureusement très longue », admet Bertrand Slaski, qui précise que « pour autant, le Forum est ouvert sur le »grand monde ». C’est dans son ADN et il me semble que cela a d’ailleurs toujours été la volonté des autorités sénégalaises qu’il en soit ainsi ». Un constat effectivement partagé par Macky Sall lui-même dans son discours introductif : « l‘expansion du terrorisme, les conflits internes et intra-étatiques, la recrudescence de coups d’Etat, l’ingérence politico-militaire étrangère, et les effets combinés des changements climatiques, de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine : force est de constater que le tableau n’est pas reluisant », a lancé le président sénégalais à la tribune.
Au cours de son intervention, le président du Sénégal a notamment plaidé en faveur d’une réforme du multilatéralisme, pointant, à l’heure où les interventions militaires occidentales sur le continent sont fortement remises en question, « l’inertie du Conseil de sécurité (de l’ONU) dans la lutte contre le terrorisme en Afrique » – le Forum a d’ailleurs été le théâtre d’une passe d’armes, certes feutrée et à distance, entre les délégations française et malienne, alors que les relations entre les deux pays sont au plus bas après le départ des militaires français du Mali en juin dernier. Il convient donc de tirer les leçons de ces récents évènements : l’Afrique, a en substance estimé Macky Sall, ne peut plus se permettre de faire reposer sa propre sécurité sur les seules épaules des pays étrangers ; et le président sénégalais et président en exercice de l’Union africaine de mettre la pression sur ses homologues afin de rendre la Force africaine en attente (FAA) plus rapidement opérationnelle. Pour Bertrand Slaski, « l’Afrique n’entend plus être un sujet ou un objet de discussions mais bien un acteur des relations internationales », comme en témoignent les discussions nourries autour de l’octroi à l’Afrique d’un ou deux sièges – avec droit de veto – au Conseil de sécurité des Nations Unies.
En d’autres termes, le Forum de Dakar « place l’Afrique au centre de l’agenda et des enjeux internationaux », relève Romain Grandjean, associé chez Avisa Partners : « cette année encore, il a été un haut lieu de réflexion et de dialogue autour de la recherche de solutions concrètes portées par les États du continent avec le concours de ses partenaires internationaux pour répondre aux défis sécuritaires ». Des défis sécuritaires qui, comme cela a largement été évoqué lors de l’événement, ne se limitent pas à la seule présence de groupes djihadistes dans la bande sahélo-saharienne.
La cybercriminalité, qui aurait en 2021 occasionné 4,12 milliards de dollars de dommages sur le continent et affecté, la même année, plus de six entreprises africaines sur dix (64%), fait ainsi partie des « menaces les plus sérieuses à la paix, à la sécurité et à la stabilité de nos pays » africains, a rappelé Macky Sall lors de son discours d’ouverture. Présent dans les allées du CICAD, l’expert en cybersécurité Franck Kié, qui estime dans Jeune Afrique que le continent va devenir le « champ de bataille numérique des puissances étrangères », acquiesce aux propos du président sénégalais. En marge du Forum, l’expert se félicite du succès organisationnel d’un événement qui, selon lui, s’est imposé comme « une plateforme de premier plan au niveau continental sur les questions de paix et de sécurité ».