La dépréciation de la monnaie nationale, le franc congolais, face au dollar américain préoccupe au plus haut niveau le gouvernement congolais et les économistes de tout bord.
Pour baisser le taux du dollar américain en franc congolais, l’ancien vice-Premier ministre et ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba pense qu’il est évident de s’attaquer aux vraies causes et de procéder, de la manière la plus judicieuse, à des mesures de court terme qui mettront à mal la poursuite du programme macroéconomique.
Dans une tribune publiée dimanche 30 juillet, ce professeur de l’économie à l’université de Kinshasa préconise 4 mesures chocs qui permettront au gouvernement de faire face à la dépréciation du franc congolais.
En clair, il s’agit notamment de la mise en place d’une politique économique d’anticipation ; la meilleure coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire ; la nécessité d’un vrai programme d’assainissement budgétaire et l’optimisation de la trésorerie de l’État.
Voici un extrait de sa tribune sélectionné par DosECo.cd :
Quelles leçons tirer ?
Pour l’opinion, et ce n’est que justice, le taux du dollar en CDF doit baisser. Mais, le plus important, c’est d’y arriver en s’attaquant aux vraies causes et en procédant de la manière la plus judicieuse sans que les arbitrages politiques ne poussent à des mesures de court terme qui mettront à mal la poursuite du programme macroéconomique.
Le plus difficile, en cette période où le Trésor va devoir faire face à de pressantes sollicitations par la CENI et l’armée, est de maintenir une gestion plus prudente des dépenses sans sacrifier les transferts aux provinces et les investissements publics. Sur la base des éléments présentés dans cette note, les leçons suivantes peuvent être tirées.
Leçon 1.- Pour une économie comme la nôtre aussi vulnérables aux chocs des prix extérieurs, il faut toujours anticiper en tenant compte de l’évolution de l’économie mondiale. À ce sujet, il faut rappeler que le Cadre d’action intégré du FMI suggère aux pays sous-développés qui pratiquent un régime de change flexible de laisser la monnaie nationale se déprécier en cas de choc exogène afin d’absorber les chocs et de susciter la substitution des biens importés par des biens locaux. Cet argument est théoriquement correct mais il est difficilement défendable dans une économie où les pressions sur le taux de change se traduisent immanquablement par l’augmentation des prix des denrées les plus indispensables pour la majorité des ménages. Dans le cas d’espèce, je voudrais suggérer que les experts congolais ne se limitent pas à observer les cours des matières brutes (cuivre et cobalt), mais qu’ils simulent l’effet de ces évolutions sur le cours de change et sur les termes de l’échange.
Leçon 2.- Une meilleure coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire est indispensable. Le cadre pour cet exercice existe. Il s’agit du Comité de Conjoncture Économique présidé par le Premier ministre. Si cette réunion hebdomadaire est préparée avec minutie avec des cibles des politiques bien précises, elle peut produire de bons résultats. La réunion devrait, entre autres choses, examiner régulièrement le niveau et la composition du budget en devises du Trésor, le stock et les conditions de rémunération des bons BCC, le financement du déficit budgétaire courant, l’affectation des recettes exceptionnelles.
Leçon 3- Nécessité d’un vrai programme d’assainissement budgétaire. Même si la période pré-électorale ne se prête pas bien à des décisions budgétaires courageuses, il faut bien que cette question de la qualité de la dépense soit traitée de manière plus efficace. Dans tous les cas, des actions vigoureuses sont nécessaires sur les dépenses de fonctionnement des institutions (10% des dépenses à fin mai 2023) et des rémunérations. En ce qui concerne les rémunérations, dans l’immédiat, il est possible de normaliser les rémunérations des agents des établissements publics qui dépendent quasi totalement du Trésor, le report de la budgétisation des rémunérations et des frais de fonctionnement des établissements publics créés en cours d’exercice budgétaire, la rationalisation des primes des agents de la fonction publique, la rationalisation des missions de service.
Leçon 4- Optimiser la gestion de la trésorerie de l’État. Il s’agit d’améliorer les prévisions des recettes et des dépenses et ceci passe par le renforcement de la fonction de pilotage de cet exercice hautement technique. C’est la raison d’être de la nouvelle Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP), un service public placé sous l’autorité directe du Ministre des Finances avec pour missions d’assurer l’exécution des dépenses et de suivre les recettes recouvrées par les administrations financières, de définir la politique financière de l’État à travers la gestion de la trésorerie et le suivi de l’endettement du pouvoir central, des provinces, des Entités Territoriales Décentralisées et des organismes auxiliaires, et d’assurer la réglementation, la tenue et la centralisation de la comptabilité et des flux financiers du pouvoir central, des provinces et Entités Territoriales Décentralisées ainsi que des organismes auxiliaires. Les animateurs de ce service public ayant été nommés par le Président de la République, il est urgent que la DGTCP assure pleinement ses missions, ce qui permettrait enfin de mettre en œuvre l’une des réforme s les plus attendues, le Compte Unique du Trésor (CUT).
La DGTCP et la Direction Générale des Politiques et Programmation Budgétaire (DGPPB) au sein du ministère du Budget sont destinés à devenir les fleurons d’une gestion plus technocratique de l’État congolais. Ce n’est que grâce à une gestion technocratique que l’on pourra insuffler dans la gestion de la trésorerie les principes de précaution, d’anticipation, et de rigueur. La gestion des finances de l’État exige aujourd’hui, plus que jamais, une vraie professionnalisation de la gestion de la trésorerie.
Professeur Daniel MUKOKO SAMBA