Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) a publié ce jeudi 5 octobre, son rapport de constatation sur la gouvernance budgétaire de la République Démocratique du Congo.
Ce rapport, élaboré après une analyse du projet de Loi portant reddition des comptes du budget du pouvoir central pour l’exercice 2022, actuellement en examen au Parlement, met en évidence de nombreuses faiblesses dans la gestion des finances publiques, nonobstant les réformes en cours depuis 2009.
Cette structure de la société civile, qui a effectué cette analyse du 26 septembre au 3 octobre 2023, rejoint ainsi les conclusions de la Cour des Comptes en soulignant que la chaîne de la dépense publique en RDC présente des dysfonctionnements. L’un des principaux points de préoccupation réside dans le fait que, durant l’exercice budgétaire 2022, le ministre des Finances a activé le compte général du Trésor par le biais de simples lettres, en contournant l’émission des Ordres de paiement informatisé (OPI). Cette pratique constitue une violation des procédures établies et du circuit de la dépense publique, adoptées en 2010.
Les principales conséquences de cette situation sont les suivantes :
-Utilisation de 2,9 milliards de dollars sans autorisation préalable du Parlement ;
-Décaissement de 1,3 milliard de dollars en procédure d’urgence à la Banque centrale du Congo ;
-Enregistrement d’un déficit budgétaire de l’ordre de 1,1 milliard de dollars, alors que la Cour des Comptes l’estime à 1,6 milliard de dollars.
Le rapport du CREFDL souligne également d’autres pratiques douteuses, telles que le paiement de créances sans certification préalable de la Direction Générale de la Dette Publique (DGDP) pour un montant de 5 millions de dollars et le déblocage en procédure d’urgence de 162 dossiers de la dette intérieure, évalués à 94 millions de dollars. De plus, il relève un paiement anormalement élevé de 14,2 millions de dollars au titre du salaire du Président de la République, un décaissement irrégulier de 8,3 millions de dollars au profit de Rawbank au titre d’investissements, et l’absence de traçabilité d’un décaissement de 34 millions de dollars de la Banque Africaine de Développement en faveur du projet d’opérationnalisation de la zone économique spéciale de Maluku.
L’organisation constate également un manque de transparence concernant les emplois rémunérés qui ont contribué à un dépassement de 900 millions de dollars. Enfin, il relève l’absence d’un rapport explicatif sur les dépassements budgétaires enregistrés en 2022, ainsi qu’un déficit de contrôle dans le circuit budgétaire.
En ce qui concerne les fonds transférés aux provinces et aux entités territoriales décentralisées (ETD), le rapport indique que 80 % de ces fonds ont été utilisés par les gouverneurs et les Assemblées provinciales. Toutefois, un montant de 41,4 millions de dollars reste non traçable. De plus, seule la ville de Kinshasa n’a pas reversé aux communes la rétrocession reçue du Trésor public, évaluée à 20,8 millions de dollars. Les provinces et ETD à vocation minière ont été les principales bénéficiaires des ressources financières, tandis qu’un crédit de la caisse nationale de péréquation n’a pas été activé, et les crédits d’investissements destinés aux ETD les plus défavorisées sont restés insignifiants.
Le rapport du CREFDL indique que le budget de 2022 n’a pas contribué à la résolution du chômage ni à la réduction de la pauvreté en RDC. Il appelle le gouvernement à respecter la Loi des finances de l’année, le circuit de la dépense publique et le pacte de stabilité monétaire pour répondre aux priorités de la population. La réactivation de la fonction de contrôle préalable, en collaboration avec les contrôleurs budgétaires, est également recommandée comme une priorité gouvernementale.
Dostin Eugène LUANGE