Newsletter

RDC: Pourquoi Tshisekedi veut-il « solder » son mandat pour des alliés « négligeables »? (Tribune)

« Papa alobaki le peuple d’abord ». Ce slogan était répété de façon effrénée par les combattants de l’Union pour la Démocratie et lef Progrès Social (UDPS), le 19 janvier 2019, le jour de la prestation de serment de Félix-Antoine Tshisekedi, entamant son premier mandat. En rappelant ces paroles de feu Étienne Tshisekedi, apparemment, c’est comme si les combattants du parti présidentiel savaient ce qui pouvait arriver quelques années après.

Depuis un temps, le narratif « le peuple d’abord » semble disparaître du vocabulaire politique des tenants du pouvoir. En lieu et place, un autre slogan est devenu courant : »Les enfants et la famille d’abord « . Cette nouvelle trouvaille trouve son fondement dans l’agir des acteurs politiques congolais qui, lors du « partage » du gâteau…. oh du pouvoir ne cherchent pas loin. Les premiers CV à présenter sont ceux soit de leurs enfants, soit de leurs épouses, si ce ne sont pas le leur ; les autres membres du parti étant considérés comme des marchepieds.

La belle illustration est celle vécue avec la mise en place du bureau définitif de l’Assemblée nationale. Sur six postes à pourvoir, quatre sont attribués aux membres du Presidium de l’Union sacrée pour la nation (USN). Dans ce dossier, deux candidatures font couler beaucoup d’eaux sous le pont : celle du fils de Modeste Bahati et de la sœur de Jean-Pierre Bemba.

Pourquoi ces deux membres de l’USN ont-ils choisi puiser dans leurs familles ? Pourquoi n’ont-ils pas recouru aux autres membres de leurs partis ? Près de deux cents (200) députés membres de l’USN ont, dans une déclaration rendue publique le 11 mai, dénoncé ce qu’ils qualifient de « népotisme ». Ils ont même interpellé le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, autorité morale de l’USN, de faire barrage à ces pratiques qui sont la négation du combat contre le clientelisme, le népotisme, la clanisme… mené par l’UDPS, surtout son père Étienne Tshisekedi, pendant près de trois décennies.

Steve Mbikayi appelle à la résistance

Proche de Félix-Antoine Tshisekedi, Steve Mbikayi, élu député dans la circonscription électorale du Mont-Amba, à Kinshasa, et ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) refuse de se taire faca à la « prise en otage » du pays par les membres du Présidium de l’USN. Et il lâche : « A l’Union sacrée, les présidents des partis et regroupements politiques sont des garçons de course. Ils n’ont jamais été consultés. Phénomène jamais vécu dans le passé ». Et de poursuivre :  » Nous sommes en train d’assister à un recul démocratique criant. Une oligarchie se consolide sous nos yeux ». Pour barrer la route à cette oligarchie naissante, Steve Mbikayi estime que « la résistance s’impose ».

En rapport avec l’impasse constatée (dans la mise en place des institutions) depuis la prestation de serment de Félix-Antoine Tshisekedi, le 20 janvier, pour son deuxième mandat, Jean-Claude Katende, aprésident de l’ONG Association Africaine des Droits de l’homme ASADHO) estime que « l’arbitre a perdu son sifflet ». Il rappelle que l’article 69 de la Constitution confie au Président de la République plusieurs rôles dont celui de « veiller par son arbitrage au bon fonctionnement des institutions ». Pour assurer ce rôle important, surtout dans notre pays où les gens sont souvent opposés les uns et les autres (majorité-opposition, majorité-majorité, opposition-opposition…), il est présumé que l’arbitre maîtrise les règles du jeu, il connaît les joueurs et a la capacité de décider/trancher pour départager les joueurs qui sont en conflit.

La mise en place du Gouvernement prend du retard. Les situations urgentes qui nécessitent la présence d’un gouvernement, avec pleins pouvoirs, sont de plus en plus nombreuses (l’insécurité à l’Est, la crise sociale, la hausse du dollar, la pauvreté, les détournements de l’argent public…). Mais les membres de l’Union sacrée bloquent la mise en place du Gouvernement, notamment à cause des rivalités internes, personne ne veut céder la place à l’autre, tout le monde veut avoir les plus de postes ministériels possibles. Et tout se complique. Cette situation exige que l’arbitre intervienne pour trancher, mais il n’intervient pas.

Poids politiques discutables

Question : quel a été l’apport de chacun des membres du Présidium de l’USN lors de l’élection présidentielle pour que Félix-Antoine Tshisekedi leur laisse le temps de bloquer la marche de la République ? Élu avec 73,48% doublé d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale avec plus de 400 députés, le chef de l’Etat ne devrait pas accepter d’être pris en otage par quelques personnes.

Pourquoi Félix-Antoine Tshisekedi veut-il « solder » son 2ème mandat en laissant libre quartier à des alliés qui se veulent importants, mais dont le poids politiques restent discutables. Que pèse Mboso Nkodia au Kwango ? Depuis deux législatures, il est le seul élu de son parti. S’il ne peut pas faire élire cinq députés de son parti dans « son Kwango », je ne crois pas qu’il ait pesé dans la réélection de Félix Tshisekedi. La même analyse vaut pour Jean-Pierre Bemba qui ne fait plus l’unanimité dans le grand Equateur. Modeste Bahati est, lui, perçu plus comme un homme d’affaires qu’un acteur politique dans le Sud-Kivu. Preuve : il n’avait pas été élu député en 2018, chez lui.

Bien plus, dans ce partage du pouvoir, les membres du Présidium de l’USN ont ignoré les provinces martyres de l’Ituri et du Nord-Kivu, faisant la part belle au Sud-Kivu. La présence d’un originaire du Nord-Kivu, par exemple, redonnerait confiance à une population martyrisée avec l’agression rwandaise.

Leçon à tirer : c’est à cause des « péchés » politiques commis par leurs collaborateurs que le maréchal Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila avaient vu leur capital confiance s’effriter auprès de leurs compatriotes.

Rombaut KASONGO, CP

Dans la même catégorie

Rentrée judiciaire 2024-2025 : Jimmy Munganga plaide pour la dotation d’un arsenal juridique adéquat à la Cour des comptes

La cour des comptes a tenu son audience solennelle et publique de la rentrée judiciaire 2024-2025, jeudi 25 juillet 2024, dans la salle de...

Kinshasa : l’AFD et le gouvernement provincial s’emploient à renforcer leur coopération

Le gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki, et l’Agence Française de Développement (AFD) sont déterminés à renforcer leur coopération afin d'améliorer...

RDC : Les régies financières ont mobilisé 1.236 milliards de CDF au 19 juillet 2024

En rythme mensuel, les régies financières du Gouvernement de la République Démocratique du Congo ont mobilisé les recettes publiques de l’ordre de 1.236,0 milliards...

RDC: l’ACOFEPE lance une campagne de vulgarisation du plaidoyer pour la reconnaissance nationale des journalistes assassinés 

Dans le cadre de la célébration de la Journée nationale de la presse en RDC, célébrée chaque 22 juillet, l'Association Congolaise des Femmes Journalistes...

RDC : Doudou Fwamba et Louis Watum déterminés à relancer les entreprises industrielles

Le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde et son collègue de l'Industrie, Petites et Moyennes Entreprises, Louis Watum Kabamba, se sont entretenus mercredi 24...

RDC : Le Centre Carter présente son rapport final sur l’observation des élections de décembre 2023

Le Centre Carter a présenté, mercredi 24 juillet au cours d'une conférence de presse, son rapport final sur l'observation des élections de décembre 2023...

Washington : une délégation de l’ANAPEX accompagne Julien Paluku et le secteur privé au FORUM AGOA 2024

L’Agence nationale de promotion des exportations (ANAPEX) participe du 23 au 26 juillet 2024, au Forum African Growth and Opportunity Act (AGOA) qui se...

Parus récemment

Articles populaires

En savoir plus sur DosEco

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading