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RDC: les répercussions de la suppression des taxes sur les produits de première nécessité: vers des alternatives viables (Tribune)

1. Introduction

La République Démocratique du Congo (RDC) fait face à des défis économiques majeurs, notamment en matière de pouvoir d’achat et d’accès aux biens essentiels. Dans un souci d’alléger les charges pesant sur les importateurs et d’améliorer le bien-être des consommateurs, le gouvernement a récemment décidé de supprimer les taxes sur plusieurs produits de première nécessité.

Bien que cette initiative puisse sembler bénéfique à première vue, elle soulève des préoccupations concernant les conséquences pour les producteurs locaux, les importateurs et les recettes fiscales de l’État. Dans cette note et vidéo, j’examine les implications de cette politique et propose des alternatives viables pour concilier l’accès aux biens essentiels et la protection de l’économie locale.

2. Les implications de la suppression des taxes

La décision de supprimer les taxes sur les produits de première nécessité vise avant tout à rendre ces biens plus accessibles aux consommateurs congolais. En théorie, cela devrait se traduire par

une baisse des prix sur le marché, augmentant ainsi le pouvoir d’achat des ménages. Cependant, cette mesure a aussi des répercussions directes sur les producteurs locaux qui, en raison de la concurrence accrue des produits importés, se retrouvent dans une position défavorable. Les biens importés, souvent moins chers en raison de l’absence de taxation, risquent de submerger le marché, entraînant une baisse de la demande pour les produits fabriqués localement. Cette situation pourrait entraîner la fermeture d’entreprises locales, une augmentation du chômage et une dépendance accrue vis-à-vis des importations.

Par ailleurs, c’est fallacieux de penser que les taxes à l’importation constituent des charges réelles pour les importateurs, car au finish ce sont les consommateurs qui payent à la fin de la chaîne. Cependant les importateurs, bien que bénéficiant de la suppression des taxes, pourraient également faire face à des défis. Si la demande des consommateurs augmente, cela pourrait entraîner une augmentation des coûts logistiques et une pression accrue sur les chaînes d’approvisionnement, produisant un effet inverse. De plus, à long terme, cette dépendance accrue des importations pourrait fragiliser l’économie nationale, rendant le pays vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux et mettant une pression supplémentaire sur la volatilité de taux de change.

3. L’impact sur les recettes fiscales

Un autre aspect essentiel de cette politique concerne les recettes fiscales de l’État. Les taxes sur les importations de ces produits de première nécessité représentent une source de revenus significative pour le gouvernement congolais. En les supprimant, l’État risque de se retrouver avec une diminution de ses ressources financières, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le financement des services publics, tels que l’éducation et la santé. Cette situation pourrait également contraindre le gouvernement à augmenter d’autres impôts, pesant ainsi davantage sur les ménages et les entreprises.

4. Alternatives viables

Face à ces enjeux, il est crucial de réfléchir à des alternatives viables à la suppression des taxes. Une première option aurait consisté à utiliser l’argent généré par ces taxes et mettre en place des subventions ciblées pour les producteurs locaux, afin de les aider à réduire leurs coûts de production et à rester compétitifs face aux produits importés. Cela aurait pu permettre de soutenir l’économie locale tout en maintenant l’accessibilité des biens essentiels.

Une autre approche pourrait être d’encourager la production locale à travers des programmes de formation et de soutien technique. En améliorant la qualité des produits congolais, le gouvernement pourrait stimuler la demande intérieure et réduire la dépendance aux importations. Parallèlement, des politiques de sensibilisation pourraient inciter les consommateurs à privilégier les produits locaux, renforçant ainsi l’économie nationale. 

Enfin, le gouvernement pourrait envisager une réforme fiscale globale, ciblant d’autres sources de revenus tout en maintenant un équilibre entre la protection des consommateurs et le soutien aux producteurs locaux. Cela pourrait inclure la diversification des sources de revenus, comme le développement du secteur des services ou l’augmentation des taxes sur les produits de luxe.

5. Conclusion

La décision du gouvernement congolais de supprimer les taxes sur les produits de première nécessité est une mesure qui vise à améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs. Néanmoins, ses répercussions sur les producteurs locaux, les importateurs et les recettes fiscales de l’État soulèvent des questions cruciales sur la durabilité de cette approche. 

Il est essentiel d’explorer des alternatives viables qui permettraient de concilier l’accès aux biens essentiels avec la nécessité de protéger et de dynamiser l’économie locale. En adoptant une approche équilibrée et réfléchie, la RDC pourra non seulement répondre aux besoins immédiats de ses citoyens, mais aussi construire une économie plus résiliente et autosuffisante pour l’avenir. Gloire au travail.

Sénateur Prof Faustin Luanga

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