Newsletter

Nouvelles guerres commerciales : ZLECAF et BAD, des atouts majeurs pour l’Afrique

Plus que jamais, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) mérite une vive attention des dirigeants africains. Face à la nouvelle crise mondiale qui s’annonce avec la guerre commerciale déclenchée par l’administration américaine dirigée par Donald Trump, banques centrales et responsables des politiques économiques africaines doivent rapidement accélérer l’intégration du continent.

Des turbulences s’intensifient sur le commerce mondial. Le monde assiste à une situation sans précédent de perturbations dans le commerce mondial, avec une confrontation entre les États-Unis et le reste du monde, en particulier la Chine. Le président américain Donald Trump a récemment imposé des droits de douane prohibitifs de 145% sur les importations chinoises, provoquant une riposte immédiate de Pékin qui a répliqué avec des taxes de 125% sur les produits américains. Cette surenchère a déjà commencé à perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales et à ébranler les marchés financiers. Les échanges entre la Chine et les États-Unis commencent à plonger.

Si le pays asiatique se prépare depuis des années au découplage avec l’économie américaine, ses exportateurs en souffrent déjà, lisait-on récemment dans un article publié par le journal français Le Monde. Bien que Trump ait accordé des exemptions pour certains produits électroniques, cette accalmie reste fragile et temporaire. Les ports chinois comme Shanghai, premier port mondial, constatent déjà une réduction notable des cargaisons à destination des États-Unis. La Chine, dont la croissance ralentit déjà à environ 5% en 2025, se trouve contrainte de repenser ses stratégies d’exportation et son positionnement commercial mondial.

L’Afrique prise entre deux feux

Pour l’Afrique, cette confrontation entre ses deux principaux partenaires commerciaux présente des risques considérables. La Chine, premier partenaire commercial du continent depuis plus d’une décennie, voit son modèle économique remis en question et fait face à des pressions combinées des États-Unis et de l’Europe. Cette situation menace directement l’écosystème commercial africain pour plusieurs raisons : un ralentissement probable de la demande pour les matières premières africaines par la Chine qui en est le plus gros client et un des partenaires de poids à la production, la perturbation des chaînes d’approvisionnement dont dépendent les économies africaines, la volatilité accrue des prix des commodités, affectant les recettes d’exportation et un risque de devenir un terrain de « guerre par procuration » économique entre puissances (ce qui se voit déjà avec les minerais critiques).

La récente annonce de la Chine de réduire ses importations de soja américain illustre la volatilité des marchés des matières premières. Un phénomène similaire pourrait affecter les exportations africaines si le conflit s’intensifie, mettant en péril les équilibres économiques fragiles du continent.

La ZLECAf : un bouclier stratégique indispensable

Face à ces incertitudes, la Zone de libre-échange continentale africaine représente bien plus qu’un simple accord commercial – elle constitue un véritable rempart protecteur pour les économies africaines. Les avantages de son accélération sont multiples et cruciaux dans le contexte actuel : Elle possède la capacité de réduire la dépendance excessive aux partenaires extérieurs. En développant les échanges intra-africains au-delà des 15% actuels, le continent pourrait amortir les chocs provenant des turbulences commerciales mondiales.

Aussi, l’intégration continentale rehausserait l’attractivité de l’Afrique pour les investisseurs internationaux. Avec 1,3 milliard de consommateurs potentiels et un PIB combiné dépassant 3000 milliards de dollars, la ZLECAf offre une alternative séduisante aux marchés devenus incertains à cause des tensions commerciales. Un investisseur qui sait qu’en s’implantant dans un pays africain, il accède à tout le continent y réfléchira à deux fois avant de privilégier d’autres marchés émergents.

Enfin, la ZLECAf permettrait d’équilibrer les négociations avec les grandes puissances. En parlant d’une seule voix dans les forums commerciaux internationaux, l’Afrique gagnerait en poids diplomatique et économique. Divisés, les pays africains sont facilement ballottés entre la Chine, l’UE et les États-Unis. Unis, ils peuvent exiger des partenariats plus équitables.

L’unité de compte de la BAD : un outil monétaire pour l’autonomie africaine

Au-delà de l’intégration commerciale, la question monétaire est cruciale pour renforcer la résilience africaine. L’Unité de Compte utilisée par la Banque africaine de Développement (BAD) pour financer ses projets sur le continent peut servir de levier d’une monnaie panafricaine autonome. Ce mécanisme s’inspire de l’étalon-or, et peut être adossé aux vastes réserves de minerais critiques dont dispose l’Afrique – cobalt, lithium, manganèse – qui représentent 30% des réserves mondiales et dont la valeur a progressé de plus de 600% entre 2004 et 2024.

Cette unité de compte permettrait de réduire la dépendance excessive au dollar qui expose les économies africaines aux fluctuations des taux de change, diminuer de 30% à 40% le coût du capital pour les projets d’infrastructures africains, créer un instrument africain de réserve capable de stabiliser les échanges commerciaux intra-africains et transformer les ressources naturelles africaines en levier financier plutôt qu’en simple produit d’exportation.

L’urgence d’agir

L’Afrique ne peut plus se permettre d’attendre. La guerre commerciale entre grandes puissances n’est pas un phénomène passager, mais le symptôme d’une reconfiguration profonde de l’ordre économique mondial. Dans ce contexte, accélérer la mise en œuvre effective de la ZLECAf est devenu impératif. Les efforts doivent se concentrer sur trois priorités immédiates : Rendre la libre circulation des personnes effective, harmoniser les normes et standards pour faciliter le commerce et investir massivement dans les corridors de transport et les infrastructures digitales qui relieront nos capitales économiques.

La ZLECAf n’est pas qu’un accord commercial, c’est le projet économique du siècle pour l’Afrique, un projet de civilisation économique nouvelle. Dans un monde où les cartes sont rebattues par la rivalité entre grandes puissances, l’Afrique ne doit plus être un simple terrain de jeu, mais devenir un acteur autonome et influent.

Dans la même catégorie

Procès Bukanga Lonzo : des organisations de la société civile dénoncent l’immixtion politique et appellent à une justice indépendante

Les organisations de la société civile qui collaborent avec l'inspection générale des finances (IGF) dans la lutte contre la corruption, dont l'Observatoire de la...

RDC: Le gouvernement met en place un Comité national de mise en œuvre des sanctions financières ciblées

Le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a procédé jeudi 17 avril, à l’installation et à l’opérationnalisation du Comité national de mise en œuvre des...

RDC : le gouvernement prévoit de lever 400 millions USD sur le marché financier au deuxième trimestre

Le gouvernement congolais prévoit de lever, au cours du deuxième trimestre 2025, 400 millions de dollars américains sur le marché financier, grâce à l'émission...

RDC : Félix Tshisekedi rêve d’un réseau ferroviaire reliant le Grand Katanga au Grand Kasaï jusqu’au port en eau profonde de Banana

En séjour à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, le président de la République Félix Tshisekedi a lancé officiellement jeudi 17 avril, la 9ème édition de...

RDC : des organisations de la société civile invitent Suminwa à appuyer l’IGF dans l’audit des établissements publics

La Coordination des organisations de la Société Civile engagées dans la lutte contre la corruption dans les finances publiques (COSOC-LCC) a salué la restauration...

Une délégation du FMI attendue à Kinshasa pour évaluer les engagements du gouvernement dans le cadre de la première revue FEC-FRD

Une délégation du Fonds monétaire international (FMI) s'apprête à débarquer à Kinshasa le 29 avril prochain pour ausculter les engagements pris par le gouvernement...

RDC : les services d’assiettes mobilisent environ 664 millions USD au 11 avril 2025 ( Rapport)

Les services d'assiettes de la République Démocratique du Congo ont mobilisé 1.899,8 milliards de CDF, soit environ 664 millions USD, durant la semaine du...

Parus récemment

Articles populaires

En savoir plus sur DosEco

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture