Félix Tshisekedi est arrivé au pouvoir avec un programme bien défini visant un seul objectif : le bien-être du peuple congolais. Cependant, la réalisation de certains pans de ce programme a été durablement entravée par celui qui était pourtant chargé de travailler à l’amélioration de la gouvernance : l’IGF-chef de service, Jules Alingete Key.
En effet, par des actions injustifiées et populistes, le patron de l’inspection générale des finances a bloqué tantôt la levée du matériel destiné aux différents chantiers et projets, tantôt le financement de certains projets. En plus, en dehors de tout jugement par les tribunaux, et par le biais des puissantes campagnes médiatiques savamment orchestrées, il a réussi à jeter en pâture et à détruire dans l’opinion, l’image de certaines personnes parmi les principaux pions du pouvoir en place, des soldats baroudeurs qui étaient au front pour la réalisation du programme de Félix Tshisekedi, en les présentant comme des détourneurs des fonds publics. Cela sans que l’aplomb de ce qui est affirmé et le crédit qu’on donne à ce qui est proclamé n’émeuvent personne. Avec comme conséquence le fait que c’est l’action même du chef de l’Etat qui a été plombée et l’honneur des gens jeté aux chiens. Le comble, c’est que le chef de l’Etat l’a laissé faire.
Depuis l’énoncé du verdict dans l’affaire des forages, le lundi 24 février 2025, le consortium de médias économiques congolais constitué du journal Chronik Eco et du site d’informations Finance-cd.com, a décidé de mener une enquête sur cette affaire – et sur bien d’autres qui y étaient plus ou moins liées et qui avaient l’objet de dénonciations similaires de la part de l’Inspection générale des Finances, IGF en sigle.
Notre consortium a travaillé selon les règles de l’art, de manière parfaitement impartiale, confrontant les affirmations de toutes les parties, épluchant soigneusement tous les documents relatifs aux dossiers en question, recueillant les témoignages de tous les acteurs impliqués afin de faire ressortir la vérité, et rien que la vérité sur ces différents dossiers qui ont défrayé la chronique au pays. Il nous est apparu que, à bien d’égards, ces affaires ont été montées en épingle par l’Inspection générale des finances, avec, en tête, son chef, Jules Alingete Key.
It/ Première partie : l’affaire des forages
Tout commence le 21 avril 2021. Pendant que le gouvernement Ilunga Ilunkamba, démissionnaire, expédie les affaires courantes, le ministre Guy Mikulu Pombo signe avec un consortium réunissant les sociétés Stever Construct Cameroun SARL et SOTRAD Water, et représenté par Mike Kasenga Mulenga – le même qui avait englouti des millions à l’époque de Joseph Kabila, sans produire le moindre kilomètre de route dans son Kasaï central d’origine – un contrat portant sur la construction des forages – unités solaires de pompage et de traitement d’eau et de stations mobiles de traitement d’eau de capacités respectives de 2,5 ; 5 et 10 mètres cubes par heure.
Aux termes de ce contrat, Stever Construct Cameroun et Sotrad Water s’engagent à installer 1.000 forages dans un total de 1.000 localités à travers le territoire national. Le prix convenu est de 398.982.383 dollars américains, ce qui fait qu’un forage revient à … 398 982 dollars US ! L’article 7 du contrat conclu précise que ce dernier est ‘‘forfaitaire’’, c’est-à-dire que le consortium s’engage à fournir les ouvrages, moyennant un prix fixé d’avance et de façon invariable, pour l’ensemble des travaux qui y sont définies.
Six jours plus tard, un nouveau gouvernement, dirigé par Jean Michel Sama Lukonde, est mis en place. François Rubota remplace Guy Mikulu au ministère du Développement rural, pendant que Nicolas Kazadi prend les rênes du ministère des Finances, en remplacement de Sele Yalaguli.
Il faut noter d’abord, que M. Nicolas Kazadi n’est pas le ministre sectoriel sur ce dossier et, ensuite, le dossier était passé par toutes les étapes d’approbation, que l’autorité des marchés publics l’a approuvé et que le contrat était déjà signé. Malgré cela, le nouveau ministre des Finances remarque que le prix à l’unité semble bien exorbitant. «Des éléments en ma possession montrent que le prix de près de 400 000 dollars par station de forage est bien trop élevé, comparé à la moyenne des prix que nous pratiquons dans la construction des stations de forage du projet PRISE financé par la BAD, dont les prix oscillent entre 680 000 dollars pour les plus chers et 382 000 dollars pour les moins chers, étant donné que les stations de forage du projet PRISE ont des réserves d’eau de 60 à 150 mètres cubes en béton armé, avec des mini-réseaux qui s’étendent sur deux kilomètres», nous confie-t-il.
It/ L’Etat gagne 101 millions USD
C’est ainsi qu’il (Nicolas Kazadi) refuse de payer la somme demandée et renvoie le dossier à son collègue du Développement rural, l’invitant à renégocier les termes du contrat. François Rubota et Mike Kasenga renégocient alors le contrat, ce qui aboutit à l’augmentation du nombre des forages à construire de 340 unités au même prix, portant donc le total des ouvrages attendus à 1 340. Ce qui fait que le prix unitaire passe de 398.982.383 dollars américains à 297 748 USD. Donc, Nicolas Kazadi fait gagner à l’Etat Congolais 101 234 000 dollars américains grâce à sa perspicacité. Déjà, à ce niveau, une question se pose : «Quel est ce voleur à qui l’on propose une grosse somme d’argent et il refuse de le voler, exige qu’on la baisse d’abord, et ensuite il accepte de voler une somme plus moindre ? Cela n’a aucun sens », se demande un agent du ministère des Finances.
Nicolas Kazadi signe donc le paiement de la première tranche de 71 millions de dollars pour la fourniture et l’installation des 241 premières stations de forage. Certains lui reprochent ce paiement en mode d’urgence. A ce sujet, la réaction de Nicolas Kazadi est sans embage. «D’abord, le paiement en mode d’urgence n’est pas illégal. C’est un mode auquel on recourt lorsqu’on veut aller vite face à certaines urgences, quitte à régulariser les opérations plus tard avec le ministère du Budget avec lequel on travaille en collaboration. Ensuite, il y avait des contingences politiques en cette année électorale 2023 : il était important de construire rapidement ces stations de forage dont l’impact sur la vie des populations pouvait rapporter des voix au chef de l’Etat. Quand on fait la politique, on doit tenir compte de ce genre de paramètres», nous explique-t-il.
Fin août, Mike Kasenga affirme avoir déjà construit les 241 forages attendus, mais il est vite démenti par les syndicalistes du ministère de Développement rural, qui parlent de seulement 32. Mis au courant, Nicolas Kazadi, par sa lettre n°1893/CAB/MIN.FINANCES/TRES/FMP/2023 du 24 août 2023 au ministre d’État, ministre du Développement rural, fustige le décalage entre l’exécution physique et l’exécution financière du projet des forages et, en même temps, conditionne les prochains paiements par la livraison intégrale de 241 stations par le titulaire du marché. Mais, c’est curieusement lui que l’on présente comme le détourneur de l’argent des forages dans l’opinion publique ! Au demeurant, Mike Kasenga s’expliquera que ce sont les pourparlers avec le gouvernement afin de décider des emplacements où doivent être installés les forages qui ont un peu retardé l’implémentation de ces derniers. Ce qui n’était pas faux.
It/ Puissante campagne médiatique de sape
Et pour cause : après une enquête de l’Inspection générale des finances, IGF en sigle, l’affaire est révélée au grand public. L’IGF orchestre alors une puissante campagne médiatique de sape qui présente le ministre des Finances comme le plus grand détourneur du pays, une sorte de Bernard Madoff des tropiques. Une foule de médias sont payés pour relayer cet hallali d’une puissance inouïe qui ne vise qu’une chose, qu’un objectif : détruire l’image de Nicolas Kazadi dans l’opinion publique. Désormais, dans les bas quartiers de tout le pays, c’est lui (Nicolas Kazadi) l’homme à abattre, et des grappes humaines crient crânement « à mort… à mort Nicolas ». Desservi par un service de communication inapte et aux abonnés absents, Nicolas Kazadi voit avec désespoir son image durablement détruite dans l’opinion sans avoir la force de réagir.
Pour peu, tout le monde a oublié que Nicolas Kazadi est l’un des soldats baroudeurs les plus brillants du régime. C’est lui, Nicolas Kazadi, qui a beaucoup œuvré pour la transparence dans la gouvernance de l’Etat et la lutte contre la corruption. C’est encore lui qui a mis en place de nombreux outils de contrôle informatiques de la TVA, introduit la facture normalisée, réalisé l’assainissement des jeux de hasard et fixé des contrats de performances qui ont permis de multiplier de manière exponentielle les recettes des régies financières. Résultats : en à peine trois ans, Nicolas Kazadi réussit à tripler le budget de l’Etat, là où un économiste réputé comme Alassane Ouattara a dû mettre neuf ans pour doubler le budget de la Côte d’Ivoire hérité de Laurent Gbagbo.
Fragiliser un homme qui a réussi tant de goals pour Félix Tshisekedi, revient à fragiliser Félix Tshisekedi lui-même. Mais, si le chef de l’Etat, lors d’une interview donnée depuis Bruxelles à Top Congo FM et Congo Indépendant, salue le travail mené sous la direction de Nicolas Kazadi pour que, pour la première fois, le pays puisse conclure six revues économiques avec le Fonds monétaire international (FMI), et déplore que son ministre des Finances soit ainsi « aujourd’hui jeté en pâture », il laisse faire ses détracteurs, et le sacrifie même sur l’autel de la clameur publique en ne le reconduisant pas au nouveau gouvernement formé par la Première ministre Judith Suminwa.
Le rapport de l’IGF est transmis à la justice qui ouvre un dossier judiciaire. Au moment où le procureur près la Cour de cassation sollicite l’autorisation de poursuite à son encontre, M. Kazadi est le premier qui demande à être entendu. Mais, ses appels à être entendu par la justice ne sont suivis par personne, étouffés par la cohue populaire qui fait de lui le coupable idéal. Comme la foule criant à tue-tête de libérer Barrabas et de crucifier Jésus devant un Pilate abasourdi, Nicolas Kazadi est déjà condamné par avance. « Le peuple voulait qu’on condamne un puissant du régime pour tempérer son mal vivre, et Nicolas Kazadi était la victime idéale, peu importe qu’il soit réellement coupable ou pas », déclare l’excellent confrère Willy Kalengay, Directeur général du groupe de presse Géopolis.
La justice va donc essayer de se conformer à la puissante clameur publique qui monte dans le pays. La mise en accusation de Nicolas Kazadi par un procureur près la Cour de cassation repose sur des éléments qui pousseraient à s’esclaffer de rire. D’abord : «Ayant relevé que le coût retenu dans le contrat précité pour l’installation des forages était très élevé, monsieur le ministre des Finances invitera le ministre du Développement rural à renégocier avec le consortium pour revoir à la baisse le coût. En réaction, le ministre Rubota a obtenu d’augmenter le nombre de stations de 340 unités supplémentaires ». Ça, c’est une chose.
Et puis son contraire : « Bien qu’ayant constaté la surfacturation des forages après la négociation sus-vantée, monsieur le ministre des Finances a reconnu au cours du briefing de presse avec le ministre de la Communication le 24 avril 2024, avoir payé la somme de 71 millions de dollars américains, apparemment en l’absence de tout élément d’évaluation technique pouvant lui permettre de connaître le coût réel de chaque station d’eau ». On se croirait dans un scenario d’un mauvais film hollywoodien de série B. Personne ne relève cette contradiction. Nul ne se rappelle que c’est au ministère sectoriel qu’il revient de négocier le dossier, et à l’Autorité de régulation des marchés publics qu’il appartient de vérifier la conformité de l’appel d’offre et des prix notamment, et non au ministre des Finances.
Sur ces entrefaites, Nicolas Kazadi est interdit de voyager le 28 avril 2024. Le voyage était pourtant destiné à signer des contrats importants pour le pays : le premier, de 60 millions d’euros avec le trésor français pour le financement de lampadaires au bénéfice des populations congolaises ; et le deuxième, avec la société Alsthom, pour l’implantation d’un métro à Kinshasa. Ces deux projets sont restés en suspens depuis lors. Encore une fois, c’est le pays qui a perdu. Encore une fois, c’est l’action du président de la République qui a été entravée.
‘‘L’honneur d’un homme livré aux chiens’’
Il reste que des questions fusent, sans réponses : comment ignorer que le traitement de ce dossier n’était pas du ressort du ministre des Finances, mais incombait au ministre sectoriel, en l’occurrence le ministre du Développement rural ? Comment oublier que ce dossier était passé par toutes les étapes d’approbation, en ce compris l’approbation par l’autorité de régulation des marchés publics, pouvoir attitré pour juger de la qualité et de la recevabilité du dossier ? Pourquoi s’en prendre à celui qui, malgré le fait que ce n’était pas à proprement parler son travail, a refusé de payer un dossier trop visiblement cher, et a obtenu d’en abaisser le prix à l’unité et, du coup, permis à l’Etat de gagner 101 millions de dollars ?
Finalement, la justice se rendra compte qu’il n’y avait rien à reprocher à Nicolas Kazadi. Ainsi, le lundi 4 novembre 2024, dans un courrier du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Nvonde, adressé à Me Bulambo Wilondja, avocat de l’ex-argentier national, la justice annonce avoir “disculpé” M. Nicolas Kazadi de “faits infractionnels” mis à sa charge dans ce dossier retentissant. «Cette décision clôt une enquête approfondie qui confirme l’intégrité de Nicolas Kazadi dans l’exercice de ses fonctions ministérielles. Dès le début des investigations, il a collaboré avec les autorités, fournissant les documents et explications nécessaires pour prouver son innocence. La justice a finalement reconnu l’absence de preuves justifiant les accusations portées contre lui», lit-on dans un communiqué signé des avocats de l’ancien ministre des Finances.
Patron des sociétés prestataires, Mike Kasenga a été acquitté par la Cour de cassation qui a estimé que les travaux de forages étaient bel et bien en cours, y compris pendant qu’il était en prison en détention préventive. Au final, trop de bruits pour rien.
Cette affaire démontre si besoin en était, comment une personne innocente peut faire les frais de la méchanceté humaine à son égard, et combien l’honneur d’un homme peut être livré aux chiens, pour reprendre la fameuse expression de l’ancien président français, François Mitterrand. Elle démontre aussi comment, sous les dehors honorables d’une lutte contre la corruption, certaines actions de l’IGF-Chef de service Jules Alingete Key n’ont eu pour conséquence que de freiner l’implémentation du programme du chef de l’Etat, programme pour lequel il a pourtant été élu.
Belhar MBUYI (Finance-cd.com) et Olivier KAFORO (Chronik Eco)