L’interview accordée par Nicolas Kazadi à Mme Paulette Kimuntu Kimpiob le week-end dernier continue de faire jaser. Largement saluée par l’opinion publique, tant pour la sincérité de l’ancien ministre des Finances que pour l’exactitude des faits rapportés, elle est instrumentalisée par certains à des fins de manipulation politicienne. Ces derniers sortent les propos de leur contexte pour leur donner une connotation anti-pouvoir en place, avec l’objectif de présenter Nicolas Kazadi comme un opposant au régime et de l’opposer à sa propre famille politique.
Pourtant, le député UDPS de Miabi soulevait une problématique générale, caractéristique des Congolais, utilisant d’ailleurs le « nous » collectif pour s’exprimer. Il ne s’agissait nullement de la stigmatisation d’un pouvoir auquel il appartient, du reste. C’est ce dont témoignent les propos de l’ancien argentier national, tels qu’il les a prononcés : « C’est la culture congolaise, nous aimons beaucoup la jouissance. Dès que l’argent est disponible, nous nous partageons d’abord, nous réfléchirons après. Nous nous donnons des salaires, nous nous distribuons des primes, et nous réfléchissons après. » Il faisait ici allusion aux plus de 28 millions de dollars que s’étaient arrogés les membres d’une commission de renégociation du contrat dit chinois, au titre de jetons de présence, sous la houlette de l’IGF chef de service Jules Alingete, en toute illégalité.
À la question de savoir ce qu’il pensait des accusations de Jean-Marc Kabund selon lesquelles les dirigeants du pays issus de l’UDPS étaient des jouisseurs qui sortaient beaucoup d’argent du pays pour le placer dans les paradis fiscaux, Nicolas Kazadi a défendu les siens : « Non, on lui a demandé de venir donner les preuves de ses affirmations, il n’a pas su. » Avant de reposer le problème de manière générale : « Jouisseurs, c’est le Congolais qui aime la jouissance, le Congolais aime la musique, le Congolais aime la fête, ça c’est la nature congolaise. Ce n’est pas mauvais, malheureusement, ça doit être accompagné par le travail. » Et de défendre à nouveau le parti présidentiel : « C’est un problème général. L’UDPS est minoritaire au gouvernement, beaucoup de membres du gouvernement sont venus d’autres partis. »
Démystification d’un homme
Voilà les propos de Nicolas Kazadi traduits par nos soins, tels qu’il les a tenus lors de son interview sur la chaîne La Lionne TV de Paulette Kimuntu Kimpiob. Il n’y a donc pas de quoi essayer de manipuler l’opinion en réinterprétant à diverses sauces ce qui est pourtant clair.
Ces interprétations diverses visent à occulter un autre objectif important de cette sortie médiatique : la démystification d’un homme qui, par monts et par vaux, n’a eu de cesse de s’acharner à éliminer les pions majeurs de l’UDPS et de saborder la mise en œuvre du programme du chef de l’État : Jules Alingete Key. Beaucoup l’ignorent car l’affaire n’a pas été rendue publique : à peine nommé à la tête de l’Inspection générale des finances, l’homme avait porté de graves accusations contre Augustin Kabuya, l’accusant d’un enrichissement illicite de 16 millions de dollars américains qu’il détiendrait sur ses comptes. Pour y voir clair, le chef de l’État avait dû charger la Cellule nationale de renseignements financiers (CENAREF) de mener l’enquête. À l’issue de cette dernière, il fut établi qu’il n’en était rien et que les accusations contre Augustin Kabuya étaient fausses. Jules Alingete n’a jamais présenté ses excuses au secrétaire général de l’UDPS.
Par la suite, il s’attaquera lourdement à d’autres ministres issus du parti du chef de l’État, dont les résultats plaidaient en leur faveur : Tony Muaba de l’ESPT, qui a héroïquement porté la politique de gratuité de l’enseignement de base à bon port, et Nicolas Kazadi des Finances, qui a réussi à quadrupler le budget de l’État en à peine 4 ans. Le tout par des lynchages médiatiques monstrueux, afin de saper leur image dans l’opinion, en dehors de tout processus judiciaire.
Claude TANA WENGOMA, analyste indépendant