La Couverture santé universelle (CSU) vantée ourbi et orbi par le président de la République, Félix Tshisekedi, vacille aujourd’hui sur fond d’impayés et de désillusion. À Kinshasa, plusieurs établissements sanitaires de premier plan, dont le Centre hospitalier Monkole, viennent d’annoncer la suspension des services gratuits de maternité et de néonatologie.
À compter du 7 juin, Monkole gèle l’accès gratuit à ces prestations en raison de retards de paiement accumulés depuis octobre 2024 de la part du Fonds de solidarité de santé, bras financier du dispositif. Dans un communiqué conjoint, le directeur général Eder Mbi-Masiala et le médecin directeur Rémy Kashala évoquent une décision « difficile, mais nécessaire » pour ne pas compromettre la pérennité de l’offre de soins.
Failles systémiques
Le centre hospitalier Monkole, pourtant reconnu pour sa mission sociale et son engagement en faveur d’un accès équitable aux soins, alerte sur l’insoutenabilité de la situation actuelle.
« Sans soutien financier concret, il est impossible de maintenir la gratuité sans sacrifier la qualité ni la viabilité », avertit l’équipe dirigeante, qui se dit toutefois disposée à dialoguer avec les autorités pour un rétablissement rapide des services.
Mais le malaise dépasse Monkole. D’autres structures confessionnelles privées affiliées à l’Église du Christ au Congo (ECC), à l’Église Kimbanguiste, à l’Armée du Salut ou encore au Bureau diocésain des œuvres médicales (BDOM), ont emboîté le pas. Dans une lettre adressée au coordonnateur du conseil de la CSU, ces institutions dénoncent huit mois d’arriérés sur les accouchements, un paiement partiel (70%) des factures antérieures, et des retenues de 30% sur les consultations pour l’achat de médicaments – souvent non livrés intégralement.
Un modèle à bout de souffle
Ces suspensions en chaîne illustrent l’essoufflement d’un modèle de financement étatique encore fragile. En l’absence d’un mécanisme robuste et régulier de décaissement, les promesses présidentielles se heurtent à la dure réalité des chiffres et des capacités logistiques.
Pour les professionnels de santé, c’est un retour brutal aux incertitudes d’antan. Pour les populations les plus vulnérables – femmes enceintes et nouveau-nés en tête – c’est un accès de plus en plus compromis à des soins de base.
Alors que le gouvernement continue de vanter les mérites d’une CSU censée être « pour tous et partout », la situation actuelle appelle à un sursaut des autorités et des bailleurs de fonds. Faute de quoi, les ambitions sociales de la présidence Tshisekedi risquent fort de se transformer en désillusion nationale.


Prince OKENDE