Depuis fin février 2025, les exportations de cobalt sont interdites en RDC. Les autorités ont pris cette décision pour tenter de faire remonter les prix du métal dans un contexte d’excédent de l’offre. Cette stratégie n’est néanmoins pas sans risques.
Fin juin, la RDC a décidé de prolonger, pour trois mois supplémentaires, l’embargo sur ses exportations de cobalt en vigueur depuis février 2025. A en croire l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (ARECOMS), à l’origine de la décision, l’interdiction est maintenue « en raison des stocks toujours importants sur le marché ». Une analyse que partage Will Talbot de chez Benchmark Mineral Intelligence, qui s’est entretenu avec Agence Ecofin.
« Notre analyse montre que, même s’il existe un risque de pénurie physique des stocks hors RDC, celle-ci ne devrait pas se faire réellement sentir avant fin 2026 », explique celui qui est responsable de la recherche au sein de la firme londonienne spécialisée dans les minéraux critiques.
Répondant à des questions de la rédaction, il explique que certains négociants et producteurs pourraient néanmoins être en difficulté avant cette date. C’est d’ailleurs déjà le cas de certains acteurs présents en RDC, comme Eurasian Resources Group qui a déclaré dès mars la « force majeure » sur les livraisons de cobalt provenant de son usine congolaise de Metalkol. La société majoritairement détenue par des investisseurs kazakhs est rejointe depuis peu par le premier producteur mondial de cobalt, le chinois CMOC. La filiale IXM de ce dernier, chargée du négoce de métaux, a annoncé à son tour, le 30 juin, un cas de force majeure sur ses contrats de fourniture de cobalt.
Alors que certains analystes pointent un risque de désengagement des industriels vis-à-vis du cobalt congolais, voire du cobalt tout court, en cas de persistance de l’embargo, Benchmark se montre plus prudent. Selon M. Talbot, la composition chimique des batteries ne devrait pas beaucoup évoluer.
« Benchmark prévoit que 43 % de la demande de batteries lithium-ion en 2025 concernera des compositions chimiques contenant du cobalt. Si la part de marché du LFP (lithium-fer-phosphate) devrait augmenter, le NCM (lithium-nickel-manganèse-cobalt) restera important, en particulier sur les marchés occidentaux. Il y a de la place sur le marché pour ces deux compositions chimiques », a-t-il déclaré.
Alors que l’embargo actuel arrivera à expiration en septembre prochain, la RDC n’a pas encore clarifié les prochaines mesures. Jusqu’ici, les alternatives évoquées incluent la mise en place de quotas à l’exportation et une transformation locale accrue. Alors que Kinshasa a décidé de cette mesure de suspension, en raison de la baisse des prix, notons que le prix du cobalt a atteint environ 36 000 dollars la tonne à Londres à la mi-mars, contre 21 000 dollars environ fin février.
Le prix du métal oscille actuellement autour de 32 000 dollars et Benchmark estime que cette volatilité devrait persister à court terme. A moyen et long terme, l’évolution du prix et l’intérêt des consommateurs dépendront de la capacité de la RDC à concilier rareté de l’offre pour soutenir les prix et demande abondante pour éviter que les fabricants de batteries n’accélèrent la substitution vers d’autres chimies.