Censé mettre fin à des décennies de conflit en RDC, l’accord de paix signé il y a quelques jours à Washington pose également les bases d’un partenariat économique renforcé entre Kinshasa et Kigali. Les minéraux congolais sont au cœur de cette future collaboration soutenue par les Etats-Unis.
Conclu le 27 juin dernier à Washington, l’accord de paix entre le Rwanda et la RDC suscite depuis sa signature des réactions contrastées. Au-delà des enjeux sécuritaires, l’un des points qui cristallisent l’opinion publique congolaise est le volet minier de ce pacte. Derrière les spéculations sur un pillage réglementé des ressources congolaises avec l’appui des Etats-Unis, la réalité est beaucoup plus nuancée.
Interrogé sur la question par France 24 il y a quelques jours, Massad Boulos, conseiller spécial de Donald Trump pour l’Afrique, a apporté de l’eau au moulin des détracteurs de ce partenariat. « Certains minéraux [congolais, Ndlr] seront traités au Rwanda », a-t-il laissé entendre, tout en assurant que les pourparlers sont toujours en cours. Représentant la RDC au moment de la signature de l’accord, la cheffe de la diplomatie congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner a tenu à rassurer ses concitoyens.
« Cet accord de paix ne prévoit ni contrepartie économique, ni concession minière, ni traité commercial bilatéral avec le Rwanda », a-t-elle assuré lors d’un point de presse à Kinshasa.
Toujours est-il que l’accord mentionne bien la question des minerais, chère au président américain Donald Trump. Selon le texte disponible sur le site web du département d’Etat américain, les Parties s’engagent à lancer « dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur du présent Accord » un cadre d’intégration économique régionale.
Ledit cadre servira notamment à développer « les investissements provenant des chaînes d’approvisionnement de la région en minerais critiques ». Il est également fait mention de « chaînes de valeur minières transparentes et formalisées de bout en bout (de la mine au métal transformé) qui relient les deux pays », avec le soutien du gouvernement et des investisseurs américains.
Mettre un terme à la contrebande ?
Les tractations menées sous l’égide des Etats-Unis prévoient donc effectivement une coopération minière entre le Rwanda et la RDC. Seulement, les contours de cette collaboration sont encore flous. A en croire les déclarations de certains officiels américains et le contenu de l’accord, une volonté de formalisation du commerce illicite existant déjà entre les deux pays semble apparaître. Kigali est en effet régulièrement accusé de transformer les minéraux sortis illégalement de la RDC, avant de les vendre sur le marché international comme provenant du Rwanda.
Dans un rapport confidentiel relayé la semaine dernière par la presse internationale, le groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC explique que « les minerais provenant du Nord-Kivu, en particulier le coltan de la mine de Rubaya contrôlée par l’AFC, continuaient d’être acheminés clandestinement vers le Rwanda […] Ces minerais étaient ensuite mélangés à des produits d’origine rwandaise et exportés en aval ».
Avec le cadre économique régional prévu, une formalisation de cet approvisionnement permettrait d’assurer la traçabilité des exportations congolaises et de garantir à Kinshasa des revenus miniers qui continuent de lui échapper. En dehors de ce partenariat Rwanda-RDC, les Etats-Unis noueraient aussi des accords bilatéraux avec chaque pays, notamment en RDC où des entreprises américaines pourraient s’engager.
« Les entreprises américaines se comportent très bien […] Elles vont respecter les lois sur le travail des enfants et la protection de l’environnement », a indiqué M. Boulos.
Quoi qu’il en soit, les obstacles à lever en vue d’une véritable coopération minière entre ces trois pays sont encore nombreux. Rien que sur le volet sécuritaire, préalable à tout partenariat économique, Kigali et Kinshasa ont encore des vues divergentes sur la fin du conflit dans l’est de la RDC. Les régions abritant certains minéraux convoités par Washington ou entrant en contrebande au Rwanda sont encore sous le contrôle des groupes rebelles et aucun accord de paix n’a été trouvé avec eux. Un processus parallèle de paix est en cours entre Kinshasa et le M23, grâce à la médiation du Qatar.