L’Observatoire de la dépense publique (ODEP), dirigé par le professeur Florimond Muteba Tshitenge, ne souscrit guère au projet de mise à la retraite de plus de 300.000 agents de différents services publics par le gouvernement congolais.
Pour cause, le contexte de fragilité sociale extrême, marqué par une pauvreté endémique, des conflits armés à l’Est et une érosion croissante du pouvoir d’achat dans lequel intervient ce projet. De l’avis du professeur Florimond Muteba, le gouvernement n’a pas tiré suffisamment de leçons de la mise en place de cette réforme en 2022, avec une première vague de 11 000 agents publics mis à la retraite, “sans qu’aucune garantie sérieuse de prise en charge sociale ou de suivi institutionnel cohérent n’ait été mise en place”.
“Loin d’être le fruit d’une réforme mûrement réfléchie, cette opération semble obéir de manière précipitée et mécanique à une logique d’ajustement budgétaire dictée par le Fonds Monétaire International (FMI), dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit (FEC), où la réduction de la masse salariale est érigée en indicateur de performance macroéconomique. Le gouvernement congolais avait amorcé cette réforme en 2022 par une première vague de 11 000 agents publics mis à la retraite, sans qu’aucune garantie sérieuse de prise en charge sociale ou de suivi institutionnel cohérent n’ait été mise en place. Cette expérience, loin d’avoir été un modèle, a laissé des séquelles profondes, tant sur le plan humain qu’administratif. Elle a notamment engendré des mois d’attente sans indemnités, plongeant des milliers de retraités dans une précarité extrême, souvent sans aucune autre source de revenu”, a écrit l’ODEP dans son communiqué publié mardi 15 juillet 2025.
Toutefois, l’Observatoire de la dépense publique précise que cette réforme n’a de sens que si elle s’inscrit dans une vision globale et humaine, tenant compte à la fois des capacités budgétaires nationales, de la soutenabilité du régime de pension, et des droits fondamentaux des travailleurs.
“La mise à la retraite de 300 000 agents publics, sans dispositif d’accompagnement social, menace directement entre 2,1 et 3 millions de personnes, si l’on considère qu’un fonctionnaire congolais fait vivre en moyenne une famille de 7 à 10 personnes. Ce chiffre n’est pas anodin : il représente une proportion significative de la population active urbaine dépendante des revenus de l’État”, soutient-il.
Dès lors, il appelle à la suspension immédiate de toute opération de mise à la retraite de masse tant qu’un plan d’impact social détaillé, budgétisé et validé par les parties prenantes n’aura pas été élaboré. Bien plus, il appelle le gouvernement à mandater un audit indépendant de la Caisse nationale de sécurité sociale des agents publics (CNSSAP), afin d’évaluer la viabilité financière du régime de pension et d’identifier les mesures correctives à mettre en œuvre.
Il souhaite que l’État mette aussi en place un dispositif structuré d’accompagnement social, incluant le paiement effectif, intégral et dans les délais des indemnités de retraite et des programmes de reconversion professionnelle et de formation continue.
L’État est également appelé à réévaluer et renégocier les conditionnalités attachées à l’appui budgétaire du FMI, afin de promouvoir une trajectoire économique souveraine, fondée sur la justice sociale, la dignité humaine et la protection du capital humain congolais.
Re (lire) également
RDC-Fonction publique : 314.000 agents seront bientôt admis à la retraite, selon Jean Pierre Lihau https://doseco.cd/2025/07/14/rdc-fonction-publique-314-000-agents-seront-bientot-admis-a-la-retraite-selon-jean-pierre-lihau/